Que le tunnel ne devienne pas la frontière de notre fraternité

« Nous avons terminé 85 % de l’installation du système anti-incendie, la ventilation est presque terminée. Le système d’éclairage est également à 75 % et atteindra bientôt 100 %. Cependant, les autorités françaises insistent pour que les installations soient complètement terminées avant la réouverture » a déclaré le Vice-Ministre des Infrastructures et des Transports Edoardo Rixi, en marge de sa visite sur le chantier du tunnel du Tende, ce lundi 16 décembre, comme le rapporte le quotidien en ligne Riviera24.it.

Alors, qui a raison ?

La question de l’ouverture du tunnel du Tende demeure un sujet de discorde entre l’Italie et la France. D’un côté, l’Italie, avec un tunnel malheureusement sous le contrôle de Rome, pousse pour une ouverture en mode chantier, ignorant l’achèvement des travaux de sécurité, malgré les garanties de l’ANAS (société nationale pour la gestion des routes).De l’autre côté, la France, bien que la vallée de la Roya traverse de grandes difficultés, rejette la proposition italienne d’une ouverture à sens unique alterné, limitée aux heures diurnes et accompagnée d’un poste permanent de pompiers. Deux positions opposées, chacune justifiée, mais laquelle sert réellement l’intérêt commun ?

Si l’on considère que le nouveau tube du tunnel aurait dû être ouvert en 2017, et qu’à ce jour, en 2024, à cause de ce blocage, tant les Italiens que les Français continuent de financer les autoroutes, un paradoxe inquiétant émerge. Malgré le droit fondamental de circuler librement à travers la frontière pour vivre et valoriser notre grande macro-région, le problème semble être devenu une opportunité de profit pour les sociétés autoroutières, qui s’enrichissent sur le dos des citoyens, au lieu de proposer des tarifs réduits dans une logique de continuité territoriale. Pendant ce temps, les vallées de la Roya et de la Vermenagna, déjà dévastées par la tempête Alex en 2020, restent abandonnées à elles-mêmes, victimes d’une négligence institutionnelle qui les condamne à un destin d’isolement.

Que font les institutions italiennes ?

Le Piémont, avec ses maires, est contraint de subir les décisions de Rome, qui détient le pouvoir sur ce type d’infrastructures sans toutefois aborder les problèmes concrets et territoriaux. Rome, comme nous l’avons vu jusqu’à maintenant, laisse les difficultés s’accumuler, se contentant de faire des déclarations percutantes, comme celle récente du ministre Salvini, annonçant l’ouverture imminente de l’ouvrage. Les institutions nationales semblent ignorer les difficultés quotidiennes des citoyens, en particulier ceux de la vallée de la Vermenagna, qui vivent depuis des années dans des conditions de précarité. Et avec eux, souffrent également les habitants de la vallée de la Roya, qui dépendent – malgré eux – directement des politiques du versant italien des Alpes. Pendant ce temps, continuent de dominer des intérêts qui n’ont que peu à voir avec les véritables besoins du territoire. Hier, en effet, le vice-ministre des Infrastructures et des Transports, Edoardo Rixi, s’est rendu sur le chantier du tunnel du Tende, déclarant, selon les médias, que « les délais dépendent des Français, quand ils voudront bien nous permettre d’ouvrir le tunnel (…) si nous étions en territoire italien, l’ouvrage serait déjà terminé.«  Il s’agit clairement d’une tentative de se décharger des responsabilités, étant donné que Rome — au détriment des régions concernées, et avec elle l’image de l’Italie entière — doit porter le fardeau des années de retards, de scandales et de procédures judiciaires.


Et du côté français ?

De notre côté, le « Non ! » continuera de résonner longtemps, tel un écho traversant nos vallées désormais fatiguées de promesses non tenues. La conférence intergouvernementale Italie-France a en effet rejeté l’ouverture du tunnel en mode chantier, malgré le fait que l’ANAS se soit engagée à en garantir la sécurité pour une ouverture anticipée. Une fois de plus, la bureaucratie et les divergences politiques se sont révélées plus fortes que les solutions concrètes, laissant le territoire dans une paralysie insoutenable.

Comme rapporté par Nice-Matin, le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo, a exprimé sans détour le sentiment collectif : « Ce chantier est un échec total pour nos deux pays ». Des paroles qui décrivent une réalité désormais insupportable : la confiance dans les institutions s’est effondrée, laissant place à la déception et à la résignation. Les vallées de la Roya et de la Vermenagna, symboles d’un territoire qui lutte pour ne pas être oublié, restent une fois de plus otages de décisions lointaines et irresponsables, tandis que les citoyens paient le prix d’un isolement qui apparaît de plus en plus comme une condamnation.

Selon ce qui émerge dans la presse, de ce côté des Alpes, on préfère jouer la carte de la prudence, reportant toute décision à la fin des travaux et à une cérémonie symbolique d’inauguration tricolore, dont la date demeure inconnue.

Mais ce « Non » institutionnel ne serait-il pas le reflet des troubles politiques constants qui secouent le gouvernement? Une conclusion, cependant, s’impose : Quel avenir pour notre territoire, pris en otage depuis des années par l’incapacité institutionnelle? Combien d’années encore serons-nous contraints de parcourir une route « boitillante » en attendant la fin de l’aménagement de l’ancien tube du tunnel, bloqué par un ping-pong de responsabilités entre les deux pays? Sommes-nous, nous les Maralpins, Piémontais et Ligures, des citoyens de seconde classe ?

À ce stade, vaut-il mieux suivre la ligne de la France, qui privilégie la prévention des accidents, ou bien est-il plus sage de se ranger du côté de la position italienne, depuis laquelle, comme le rapporte La Stampa, le président du Piémont, Alberto Cirio, est prêt à entreprendre des actions en justice contre la France ?

Tout cela représente un spectacle désolant qui, sans aucun doute, ne confère aucune dignité aux populations, en particulier celles du Piémont et de la Ligurie. Dans un tel contexte, le sentiment de fierté – entendu comme le lien d’appartenance à un pays qui ne semble pas répondre aux besoins de ses citoyens – devient difficile à cultiver. Lorsque parmi le gouvernement se trouvent des individus incapables d’entreprendre des actions concrètes, qui se limitent à lancer des effets d’annonce, tout en rejetant sur d’autres les torts résultants d’années de mauvaise gestion, on assiste à des tentatives de redorer l’image de la gestion de ce dossier. Des tentatives qui, désormais arrivent trop tard : les dommages ont déjà été causés.

Que la fraternité des deux pays ne s’arrête pas à la frontière du tunnel.